Comment expliquer ce qu'est l'intonation ?
Hier, j’ai invité Charles Aznavour en cours de prononciation.
Le sujet était l’intonation, une notion qui peut être déroutante.
Il est parfois difficile de percevoir la différence entre « parler avec une voix plus haute » et « parler plus fort« .
Il faut dire que la formule peut prêter à confusion.
Après tout, ne dit-on pas, « elle a levé la voix » pour indiquer qu’une personne « monte le ton » quand elle exprime sa colère ?
Or, quand on est en colère, on a tendance à parler fort, c’est-à-dire à un volume plus élevé.
On ne monte pas (toujours) dans les aigus.
Pour illustrer mon propos, j’ai donc dégainé une partition de La Bohème, de Charles Aznavour.
La Bohème de Charles Aznavour pour expliquer l'intonation
Mon client m’avait incidemment indiqué que c’était un chanteur qu’il appréciait beaucoup.😊
Il m’avait également glissé qu’il avait appris le solfège dans sa jeunesse.
(Je suis toujours épatée de l’aura dont bénéficient certains artistes d’hier auprès des jeunes générations d’apprenant-es !)
Mon idée était :
💡 de rendre l’intonation visible,
💡 d’illustrer le rythme typique du français,
💡 d’utiliser un support différent et motivant,
💡 et de faire découvrir et ressentir ce que peut faire la voix.
S’en est suivi un échange très intéressant :
Mon client : Oui mais là, quand on arrive sur la fin de la phrase “Ne peuvent pas connaître”, on chante la syllabe “naî” plus fort, non ?
Moi : On peut, si on y met une intention spécifique.
Mais écoutez, je peux la chanter au même volume que le reste de la phrase, et vous entendez alors qu’elle est plus aiguë (= + haute) que la note sur laquelle tombe la dernière syllabe “tre”, à la fin du verbe connaître.
Mon client : « Ah, oui, c’est beaucoup plus clair !
Je vous parle d'un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître
✅En annotant la partition,
✅En choisissant une chanson connue et aimée,
✅En guidant la voix de mon client par des mouvements de mains accompagnant les montées et les descentes, telle une cheffe d’orchestre,
👉 la notion d’intonation s’est matérialisée en musique.
Et par chance, mais était-ce de la chance (😊), la mélodie de cette phrase clé dans la culture française suit l’intonation type d’une phrase affirmative en français.
“Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans, ne peuvent pas connaître.”
Il existe de nombreuses reprises de ce classique de la chanson française à découvrir sur YouTube.
Parmi celles que je connais, mais il y en a beaucoup d’autres, il y a celles d’Amel Bent, de Kendji Girac, et le du trio LEJ.
Je vous mets ci-dessous une petite sélection avec deux coups de coeur récents (Vidéos 3 et 4).
Vidéo 1 : Clip officiel de la chanson La Bohème, composée par Charles Aznavour et écrite par Jacques Plante.
Vidéo 2 : Reprise par Amel Bent.
Vidéo 3 : Belle découverte avec une reprise moderne et jazzy par le jeune artiste franco-camerounais Yamê.
Vidéo 4 : Titre « A chacun sa bohème », inspiration et hommage rendu par un artiste dont j’apprécie le travail, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade.
La Bohème : les paroles de la chanson avec la transcription phonétique
Et pour vous entraîner à la chanter, en respectant
- les « e » muets prononcés,
- et les liaisons et enchaînements,
voici ma transcription.
J’ai indiqué le son « r » par /r/, et non [ʁ], pour ne pas entrer dans le détail de sa prononciation qui diffère selon les époques.
Ecoutez bien la façon dont Charles Aznavour les prononce et la différence avec la diction d’Amel Bent et Yamê, par exemple.
Couplets
Je vous parle d’un temps
Que les moins de vingt‿ans
Ne peuvent pas connaître
Montmartre‿en ce temps-là
Accrochait ses lilas
Jusque sous nos fenêtres‿
Et si l’humble garni
Qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine
C’est là qu’on s’est connu
Moi qui criais famine‿
Et toi qui posais nue
Refrain
La Bohème, la Bohème
Ça voulait dire‿on est‿heureux
La Bohème, la Bohème
Nous ne mangions qu’un jour sur deux
Couplets
Dans les cafés voisins
Nous étions quelques-uns
Qui attendions la gloire‿
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d’y croire‿
Et quand quelque bistro
Contre‿un bon repas chaud
Nous prenait‿une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle‿
En oubliant l’hiver
Refrain
La Bohème, la Bohème
Ça voulait dire tu es jolie
La Bohème, la Bohème
Et nous‿avions tous du génie
Couplets
Souvent‿il m’arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d’un sein
Du galbe d’une hanche‿
Et ce n’est qu’au matin
Qu’on s’asseyait‿enfin
Devant‿un café-crème
Épuisés mais ravis
Fallait-il que l’on s’aime‿
Et qu’on aime la vie
Refrain
La Bohème, la Bohème
Ça voulait dire on a vingt‿ans
La Bohème, la Bohème
Et nous vivions de l’air du temps
Couplets
Quand‿au hasard des jours
Je m’en vais faire‿un tour
À mon‿ancienne adresse
Je ne reconnais plus
Ni les murs, ni les rues
Qui ont vu ma jeunesse‿En haut d’un‿escalier
Je cherche l’atelier
Dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor
Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts
Refrain
La Bohème, la Bohème
On‿était jeunes, on‿était fous
La Bohème, la Bohème
Ça ne veut plus rien dire du tout.
kuple
/ʒə vu parlə dœ̃ tɑ̃/
/kə lɛ mwɛ̃ də vɛ̃tɑ̃/
/nə pœvə pa kɔnɛtrə/
/mɔ̃mar trɑ̃ sə tɑ̃ la/
/akrɔʃɛ sɛ lila/
/ʒyskə su no fɛnɛtre/
/si lœ̃blə ɡarni/ /
ki nu sɛrvɛ də ni/
/nə pɛjɛ pa də minə/
/sɛ la kɔ̃ sɛ kony/
/mwa ki krijɛ famine/
/twa ki pozɛ ny/
rəfrɛ̃
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/sa vulɛ dir ɔ̃nɛtørø/
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/nu nə mɑ̃ʒjɔ̃ kœ̃ ʒur syr dø/
kuple
/dɑ̃ le kafe vwazɛ̃/
/nuzetjɔ̃ kɛlkəzœ̃/
/kiatɑ̃djɔ̃ la glwarə/
/e bjɛ̃ kə mizerø/
/avɛklə vɑ̃trə krø/
/nu nə sesjɔ̃ di krware/
/kɑ̃ kɛlkə bistro/
/kɔ̃trœ̃ bɔ̃ rəpa ʃo/
/nu prənɛ tynə twalə/
/nu resitjɔ̃ de vɛr/
/grupe otur dy pwalɑ̃/
/nublijɑ̃ livɛr/
rəfrɛ̃
/sa vulɛ dir ty ɛ ʒoli/
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/e nu zavjɔ̃ tus dy ʒeni/
kuple
/suvɑ̃ til marivɛ/
/dəvɑ̃ mɔ̃ ʃəvalɛ/
/də pase dɛ nɥi blɑ̃ʃə/
/rətuʃɑ̃ lə desɛ̃/
/də la liɲə dœ̃ sɛ̃/
/dy galbə dy nə ɑ̃ʃe/
/sə nɛ ko matɛ̃/
/kɔ̃ sasɛjɛ tɑ̃fɛ̃/
/dəvɑ̃ tɛ̃ kafe krɛmə/
/epɥize mɛ ravi/
/falɛ til kə lɔ̃ sɛme/
/kɔ̃ nɛmə la vi/
rəfrɛ
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/sa vulɛ dir ɔ̃navɛ̃tɑ̃/
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/e nu vivjɔ̃ də lɛr dy tɑ̃/
kuple
/kɑ̃ toazar dɛ ʒur/
/ʒə mɑ̃ vɛ fɛrɛ̃ tur/
/a mɔ̃ nɑ̃sjɛ nadrɛsə/
/ʒə nə rəkɔnɛ ply/
/ni le myr, ni le ry/
/ki ɔ̃ vy ma ʒœnɛsɑ̃-odœ nɛskalje/
/ʒə ʃɛrʃə latəlje/
/dɔ̃ ply rjɛ̃ nə sybsistə/
/dɑ̃ sɔ̃ nuvo dekɔr/
/mɔ̃martrə sɑ̃blə trist/
/le lila sɔ̃ mɔr/
rəfrɛ̃
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/ɔ̃ netɛ ʒœn | ɔ̃ netɛ fu/
/la bɔɛmə, la bɔɛmə/
/sa nə vø ply rjɛ̃ dir dy tu/
Vous apprécierez peut-être l’un de mes précédents articles dans lequel je vous livrais l’une de mes méthodes pour travailler l’intonation et le rythme. Vous le retrouverez ici.