La chambre de votre ado est sens dessus dessous ou sans dessus dessous ?
Si le bazar « savamment organisé » des enfants est le cauchemar de bien des parents, l’expression est à la fois compliquée à prononcer et difficile à orthographier sans faire de faute.
Dans cet article, je vous propose un point sur la prononciation, l’orthographe et l’étymologie de cette expression, puis une mise en pratique avec le sketch « Sens dessus dessous » de Raymond Devos dans une interprétation par le comédien André Dussollier.
Vous pourrez ainsi vous entraîner à bien prononcer les « u » et les « ou », en supprimant au passage quelques « e » muets, grâce à la transcription phonétique fournie.
Bonne lecture !
1️⃣ Prononciation
L’opposition entre le son « u » et le son « ou » est compliquée, car ces deux sons sont très proches et le “u” n’existe pas en anglais, en italien ou en espagnol.
👉Astuce :
Pour le son « u » de « dessus », avancez votre langue derrière les dents du bas
Pour le son « ou » de « dessous », reculez légèrement votre langue.
👉Vous pouvez aussi choisir de ne pas prononcer le “e” de dessus et dessous, et cela donne donc :
sens d(e)ssus d(e)ssous > santsutsou [sɑ̃ tsy tsu]
Rappel : le son « ou » est transcrit /u/ et le son « u » est transcrit /y/ dans l’alphabet phonétique.
Est-ce plus facile ou encore plus difficile ? À vous de me dire ! 😉
2️⃣ Orthographe
On trouve souvent l’expression écrite “sans dessus dessous”, comme s’il n’y avait plus ni dessus ni dessous.
Or, le véritable sens de l’expression est “ce qui est en dessus est mis en dessous”.
Le dictionnaire de l’Académie française explique très clairement pourquoi on écrit SENS (prononcé sans le « s » final /sɑ̃/) et pas SANS.
”On disait autrefois ‘Ce en dessus dessous’, c’est-à-dire que ce qui devait être dessus se retrouvait dessous. Ces deux mots, ‘ce’ et ‘en’, ont été réunis en ‘cen’, que l’on a ensuite confondu avec l’ancien français ‘sen’, ‘chemin, sentier’.
Quand ‘sen’ est sorti d’usage et n’a plus été compris, on l’a remplacé par ‘sens’, mais en en conservant la prononciation. C’est cette prononciation qui explique que cette forme est parfois incorrectement orthographiée et que l’on peut lire ‘sans dessus dessous’. »
3️⃣ Sens
Aujourd’hui, on utilise l’expression dans le sens (/sɑ̃s/) de “grand désordre”.
Cela s’applique à une chambre, mais aussi au sens figuré quand une situation est extrêmement confuse, ou à un état émotionnel.
La situation économique est sens dessus dessous.
Sur ce, j’espère que votre cerveau n’est pas trop sens dessus dessous après cet article (que vous aurez lu à voix haute, bien entendu 😄).
Le sketch Sens dessus dessous de Raymond Devos
Pour vous entraîner tout en souriant aux excellents jeux de mots de Raymond Devos, je vous invite à (re)découvrir son sketch “Sens dessus dessous”, une petite merveille à lire et à écouter.
Reprise du sketch original par le comédien André Dussollier lors de l’émission télévisée La Fine Equipe en juin 2022.
Sketch par son auteur, Raymond Devos (1922-2006) au théâtre Antoine en 1978.
Aidez-vous de ma transcription réalisée à partir de la version dite par André Dussollier pour repérer :
- Les liaisons et les enchaînements
- Le découpage des syllabes
J’ai indiqué le découpage des syllabes pour mieux faire apparaître les enchaînements consonantiques et les liaisons.
Exemple :
Mon‿immeuble est…ne se découpe pas
❌mon-Ni-meubl-è
mais
✅mon-Ni-meu-blé /mɔ̃-ni-mœ-ble/ - Les « e » qui disparaissent à l’oral
- Les différences entre l’écrit et la prononciation :
« parce que » qui devient « paske » à l’oral, quand on parle vite.
« qui est » qui peut devenir « qué ». - Les phénomènes d’assimilation :
Quand par exemple le /d/ se transforme en /t/ à l’oral lorsqu’on supprime le « e » de « dessous » / « dessus » au contact de la consonne /s/.
Sans dessus dessous
Actuellement,
mon‿immeuble est sens dessus dessous.
Tous les locataires du dessous
voudraient habiter au-dessus !
Tout ça parce que le locataire
qui est‿ au-dessus
est‿ allé raconter par en dessous
que l’air que l’on respirait à l’étage au-dessus
était meilleur que celui que l’on respirait
à l’étage en dessous !
Alors, le locataire qui est‿ en dessous
a tendance à envier celui qui est‿ au-dessus
et à mépriser celui qui est‿ en dessous.
Moi, je suis au-dessus de ça !
Si je méprise celui qui est‿ en dessous,
c’est pas parce qu’il est‿en dessous,
c’est parce qu’il convoite l’appartement
qui est‿ au-dessus, le mien !
Remarquez… moi, je lui céderais bien
mon‿ appartement à celui du dessous
à condition d’obtenir celui du dessus !
Mais je compte pas trop dessus.
D’abord parce que j’ai pas de sous !
Ensuite, au-dessus de celui qui est‿ au-dessus,
il n’y a plus d’appartement !
Alors, le locataire du dessous
qui monterait au-dessus
obligerait celui du dessus
à redescendre en dessous.
Or, je sais que celui du dessus n’y tient pas !
D’autant que, comme la femme du dessous
est tombée amoureuse de celui du dessus,
celui du dessus n’a aucun‿ intérêt à ce que
le mari de la femme du dessous
monte au-dessus !
Alors, là-dessus…
quelqu’un est-il allé raconter à celui du dessous
qu’il avait vu sa femme bras dessus, bras dessous
avec celui du dessus ?
Toujours est-il que celui du dessous
l’a su !
Et un jour que la femme du dessous
était‿allée rejoindre celui du dessus,
comme elle retirait ses dessous…
et lui, ses dessus…
soi-disant parce qu’il avait trop chaud en dessous…
Je l’ai su parce que d’en dessous,
on‿entend tout ce qui se passe au-dessus…
Bref ! Celui du dessous leur est tombé dessus !
Comme ils‿ étaient tous les deux soûls,
ils se sont tapés dessus !
Finalement, c’est celui du dessous
qui a eu le dessus !
Sans dessus dessous
a-ktɥɛl-mɑ̃
mɔ̃-ni-mœ-ble-sɑ̃-tsy-tsu
tu-le-lo-ka-tɛʁ-dy-də-su
vu-dʁɛ-a-bi-te-o-tsy
tu-sa-pas-kə-lə-lo-ka-tɛʁ
kɛ-to-tsy
ɛ-ta-le-ʁa-kɔ̃-te-pa-ʁɑ̃-tsu
kə-lɛʁ-kɔ̃-ʁɛs-pi-ʁɛ-a-le-ta-ʒo-tsy
e-tɛ-mɛ-jœʁ-kə-sə-lɥi-kɔ̃-ʁɛs-pi-ʁɛ
a-le-ta-ʒɑ̃-tsu
a-lɔʁ lə-lo-ka-tɛʁ-kiɛ-tɑ̃-tsu
a-tɑ̃-dɑ̃-sa-ɑ̃-vje sə-lɥi-kɛ-to-tsy
e-a-me-pʁ-ize-sə-lɥi-kjɛ-tɑ̃-tsu
mwa ʃɥi-o-tsy-tsa
si-ʒə-me-pʁiz-sə-lɥi kjɛ-tɑ̃-tsu
sɛ-pa-pas-ki-lɛ-tɑ̃-tsu
sɛ-pas-kil-kɔ̃-vwat-la-paʁ-tə-mɑ̃
kjɛ-to-tsy lə-mjɛ̃
ʁə-maʁ-ke… mwa ʒlɥi-se-dʁɛ-bjɛ̃
mɔ̃-na-paʁ-tə-mɑ̃-a-sə-lɥi-dy-tsu
a-kɔ̃-di-sjɔ̃-dɔp-tə-niʁ sə-lɥi-dy-tsy
mɛ-ʒə-kɔ̃t-pa-tʁo-tsy
da-bɔʁtpas-kə-ʒɛ-pa-tsu
ɑ̃-sɥi-to-də-sy-də-sə-lɥi-kjɛ-to-tsy
ja-ply-da-paʁ-tə-mɑ̃
a-lɔʁ lə-lo-ka-tɛʁ-dy-dətsu
ki-mɔ̃-tʁɛ-o-tsy
o-bli-ʒʁɛ-sə-lɥi-dy-də-sy
a-ʁə-de-sɑ̃-dɑ̃-tsu
ɔʁ ʒə-sɛ-kə-sə-lɥi-dy-də-sy-ni-tjɛ̃-pa
do-tɑ̃-kə kɔm-la-fam-dy-də-su
ɛ-tɔ̃-be-a-mu-ʁøz-də-sə-lɥi-dy-dəsy
sə-lɥi-dy-də-sy-na-o-kɛ̃-nɛ̃-te-ʁɛ-a-skə
lə-ma-ʁi-də-la-fam-dy-də-su
mɔ̃-to-tsy
a-lɔʁ-la-tsy
kɛl-kɛ̃-ɛ-ti-la-le-ʁa-kɔ̃-te-a-sə-lɥi-dy-tsu
ki-la-vɛ-vy-sa-fam-bʁɑ-tsy-bʁɑ-tsu
a-vɛk-sə-lɥi-dy-tsy
tu-ʒu-ʁɛ-til kə-sə-lɥi-dy-də-su
la-sy
e ɛ̃-ʒuʁ-kə-la-fam-dy-də-su
e-tɛ-ta-le-ʁə-ʒwɛ̃dʁ-sə-lɥi-dy-də-sy
kɔ-mɛl-ʁə-ti-ʁɛ-se-dəsu
e-lɥi-sɛ-də-sy
swa-di-zɑ̃-pa-ski-la-vɛ-tʁo-ʃo-ɑ̃-tsu
ʒlɛ-sy pas-kə-dɑ̃-tsu
ɔ̃-nɑ̃-tɑ̃-tu-skis-pa-so-tsy
bʁɛf ! sə-lɥi-dy-də-su-lœ-ʁɛ-tɔ̃-be-tsy
kɔ-mi-ze-tɛ-tu-le-dø-su
is-sɔ̃-ta-pe-tsy
fi-nal-mɑ̃-se-sə-lɥi-dy-tsu
ka-yl-də-sy
Expressions idiomatiques avec les sons /sy/ et /su/
1. Raconter par en dessous
Médire, raconter quelque chose de manière indirecte, sournoise ou en secret, souvent avec une intention cachée, parfois malveillante ou manipulatrice.
2. Être au-dessus de quelque chose
Au sens figuré, l’expression signifie ne pas se laisser affecter ou perturber par quelque chose, souvent parce qu’on se sent supérieur ou indifférent à une situation jugée mesquine, ridicule, ou sans importance.
3. Compter sur quelque chose
Avoir confiance dans le fait que quelque chose va arriver ou qu’une situation va se dérouler comme prévu ; espérer que cela va se produire.
4. Ne pas avoir de sous
Ne pas avoir d’argent.
5. Alors, là-dessus…
6. Être bras dessus, bras dessous
Marcher très proche l’un de l’autre, en se tenant par le bras, souvent de manière affectueuse ou intime. Dans le sketch, cela insinue qu’ils étaient très proches physiquement, en public, de manière suspecte ou compromettante — ce qui alimente la jalousie du mari du dessous.
7. Tomber sur quelqu’un signifie deux choses
a) Agresser / attaquer quelqu’un (verbalement ou physiquement)
S’en prendre à quelqu’un, lui faire des reproches, le critiquer, ou même le frapper.
b) Surprendre quelqu’un en pleine action
Arriver au moment où quelqu’un fait quelque chose, souvent quelque chose qu’il ne voulait pas montrer.
8. Les dessous
Il s’agit des sous-vêtements.
9. Ils sont soûls
Ils sont ivres, ils ont trop bu.
💡Note : Le mot peut s’écrire de trois façons, « soûl », « soul » et « saoul » mais se prononce toujours « sou » /su/ car le « l » et muet.
10. Se taper dessus
Se battre.
11. Il l’a su
Participe passé du verbe « savoir ».
12. Avoir le dessus
Dans une bagarre, ou dans une compétition, « avoir le dessus » signifie gagner, prendre l’avantage.
Connaissiez-vous ce sketch de Raymond Devos ?
Si les sons « u » et « ou » restent compliqués, et que vous souhaitez vous entraîner en cours individuel avec ce texte ou un autre, et bénéficier d’un retour précis et bienveillant, n’hésitez pas à réserver un ou plusieurs cours de prononciation françaiçse avec moi. A bientôt, 😊.